Journal – Route
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Semaine 17 à 19
J1 – Mercredi 26/11/97
Position à 18 h TU : 14°52′ N – 24° 43′ W
Destination la Martinique à 2107 milles
Les au revoirs sont émouvants :
Adieu José, nourris bien ta petite famille
Salut Citron Vert, à bientôt à Trinidad pour le Carnaval !
Le vent souffle à 25, 30 nœuds. La mer est agitée, la houle forte, le ciel gris et nuageux. Nous échappons de peu à un grain qui s’abat sur Brava. Nous perdons rapidement la côte de vue. Une vague nous arrose et nous sortons les cirés ! Nous naviguons sous génois seul. Au menu de ce soir, lentilles à la Dijonnaise préparées avant le départ. Nous roulons un peu le génois pour la nuit. Nous allumons le radar et délimitons un périmètre de surveillance à 6 milles. Tout le monde s’endort très vite sauf Hubert qui pendant la nuit barre, veille ou récupère par tranche de 20 mn de sommeil.
J2 – Jeudi 27/11/97
Position à 12 h TU : 14°51′ N – 26° 34′ W
107 milles parcourus – Reste 2000 M
La journée est grise. Il pleut même dans la matinée. Le vent est de secteur NE 15 nœuds. Malo calcule le nombre de jours de traversée sur la calculette de son ordinateur. Lui qui angoisse d’ordinaire un peu quand il ne voit pas la terre se fixe une limite morale à 15 jours plus 1 ou 2 jours mais pas plus ! Nous tangonnons en milieu de journée et ajoutons la GV. Au moment de relever les lignes, nous remontons un petit coryphène sur l’une. Sur l’autre, surprise et désespoir, Malo pleure à chaudes larmes : le rapala blanc a disparu, le fil de 70 kg cassé net. La prise devait être grosse ! Contact VHF à 18 h TU avec les Norvégiens et le Belge partis en même temps que nous. Tout est OK. A demain. Impossible d’écouter les copains sur la BLU à 20 h TU malgré le branchement d’une antenne. Aujourd’hui, pas de cuisine, salade de pâtes, reste de lentilles, gâteau aux noix et mangues délicieuses. Un courant d’1 nœud dû au vent et à la mer nous accompagne : en 15 jours, plus de 300 milles seront parcourus grâce à lui sans s’en rendre compte.
J3 – Vendredi 28/11/97
Position à 12 h TU : 14°24′ N – 29°01′ W
145 M parcourus – Reste 1861 M
Un peu de ciel bleu et de soleil. Nous hissons le spi. La mer se calme et l’allure devient confortable. Nous tombons en panne de gaz. La bouteille de 13 kg a duré 3 mois et nous la remplaçons par une 3 kg. Au menu de midi, poisson en papillote, clafoutis aux pommes, yaourt. Au vent arrière, la charge fournie par l’éolienne n’est pas suffisante pour compenser la consommation du pilote automatique qui barre une vingtaine d’heures par jour et des autres appareils. Aussi, nous devons faire 2 h de charge par jour. Le régime de bananes commence à jaunir. La journée est belle et facile à vivre. Pour se rafraîchir sans consommer trop d’eau, nous nous aspergeons régulièrement avec le vaporisateur de jardin dans lequel l’eau chauffe délicieusement.
J4 – Samedi 29/11/97
Position à 12 h TU : 14°30′ N – 31°30′ W
145 M parcourus – Reste 1716 M
Nous perdons notre seau après une tentative de rinçage inadéquate. La force de traction exercée par un seau plein d’eau quand le bateau file à 6 nœuds est énorme. Nous le remplaçons par une pompe à main. Le système s’avère beaucoup plus pratique et bien moins dangereux. Une première pour le repas de midi : une empennada au thon et des rochers congolais. Nous n’avons pas encore vu de cétacé, tout juste quelques exocets. Les bananes sont juste mûres et exquises.
J5 – Dimanche 30/11/97
Position à 12 h TU : 14°34′ N – 34°14′ W
159 M parcourus – Reste 1556 M
Le pain de Faja au goût maïs a moisi après 4 jours de mer. Nous nous consolons en goûtant le cake, préparé la veille du départ, que nous laissions rassir doucement. Nous jetons les œufs achetés à Las Palmas à la mer afin d’éviter l’intoxication alimentaire. Ils se sont conservés 6 semaines avec pour toute précaution un retournement hebdomadaire. Le barographe décrit ses 2 sinusoïdes quotidiennes avec ses maxima à midi et minuit. Les nuits se réchauffent enfin.
J6 – Lundi 01/12/97
Position à 12 h TU : 14°16′ N – 36° 42′ W
144 M parcourus – Reste 1415 M
Après 62 h de spi non stop, il se met en cocotier pendant la nuit. Après quelques minutes difficiles pour l’affaler, nous continuons sous génois tangonné ce qui rend l’allure plus roulante et donc moins confortable. Les dernières mangues sont cuites en confiture. La température de l’eau a bien augmenté : 27°5 mais nous n’en profitons guère hormis pour se laver. Nous progressons en longitude : nous nous levons avec le jour à 10 h TU et nous couchons avec la nuit à 21 h TU. Nous dînons toujours au coucher du soleil quelques dizaines de minutes avant la nuit. Les nuits sont longues et réparatrices.
J7 – Mardi 02/12/97
Position à 12 h TU : 13°37′ N – 39°32′ W
167 M parcourus – Reste 1252 M
La nuit est agitée. Le vent et la mer se lèvent. L’océan est beau, majestueux avec sa grande houle et ses crêtes de vagues blanches. Un spectacle permanent dont on ne se lasse pas. Nous réalisons des pointes à 10 nœuds sous génois tangonné. Nous fêtons les 35 ans d’Hubert : tarte aux épinards, gâteau au chocolat et papaye à point. 2 touches dans l’après-midi mais les poissons se décrochent arrivés au bateau. Dommage !
J8 – Mercredi 03/12/97
Position à 12 h TU : 13°15′ N – 42°25′ W
187 M parcourus – Reste 1111 M
La nuit est très agitée. Malgré la réduction de voilure, 2ème ris et tours de génois, nous sommes secoués comme des cocotiers et bien courbatus. Le lait longue conservation a caillé en moins d’une journée. Nous sommes condamnés à manger des flans ou des crèmes tous les jours. Nous détangonnons dans la matinée pour passer tribord amure au largue ce qui est plus confortable. Nous battons notre record de milles parcourus en une journée. L’option sud de route est payante. Après une tentative de pêche, nous perdons le rapala rouge et surviennent les larmes du petit pêcheur du bord. Nous sommes exactement à mi-parcours, au beau milieu de l’océan. Habitant de la planète mer, libre de notre direction, nos références s’inversent. Notre échelle temps se modifie également. Le jour a remplacé l’heure.
J9 – Jeudi 04/12/97
Position à 12 h TU : 14°14′ N – 44°55′ W
157 M parcourus – Reste 936 M
La mer se calme. Elle est belle maintenant et nous larguons le 2ème ris. Nous faisons notre premier pain en plein océan. A midi, nous envoyons le spi et en fin d’après-midi, le bras pète. L’usure du matériel est considérable. Depuis une semaine, nous n’avons pas vu un seul bateau, ni un seul cétacé : l’océan serait-il vide ? Nous terminons le régime de bananes sans indigestion. Il ne nous reste quelques pommes pour tout fruit frais.
J10 – Vendredi 05/12/97
Position à 12 h TU : 14°41′ N – 47°34′ W
156 M parcourus – Reste 781 M
Nous observons pour la première fois un ciel d’alizé, ciel caractéristique avec sa quantité de petits nuages colorés. Au repas, une quiche tomate jambon accompagnée d’un assortiment de manioc, pommes de terre et patates douces sautés. Le manioc, contrairement aux apparences est un tubercule qui ne se conserve pas aussi bien que la pomme de terre.
J11 – Samedi 06/12/97
Position à 12 h TU : 14°32′ N – 50°09′ W
150 M parcourus – Reste 632 M
Vent irrégulier et mer désordonnée font nuit hachée. La journée, sous GV et génois, sera belle et récupératrice. Des points astro, méridienne et droite de hauteur, au sextant confirment l’exactitude du GPS à 4 milles près. Aux heures chaudes, de 11 à 15 h, la chaleur est accablante sur le pont. Nous restons dans le carré en regrettant l’absence d’un bimini. Un clafoutis aux pêches pour le goûter.
J12 – Dimanche 07/12/97
Position à 12 h TU : 14°37′ N – 52°54′ W
161 M parcourus – Reste 471 M
Une alerte radar au petit matin nous signale un orage. Plus tard, une nouvelle alerte nous préviendra d’un grain. Le vent tourne sans prévenir entraînant l’empannage, la retenue de bôme cède, poulie éclatée. Le premier réservoir d’eau est vide ce qui correspond à une consommation de 2,5 l par jour et par personne pour la toilette et la cuisine. Nous prenons 1 ris dans la GV et quelques tours dans le génois. Nous préparons un fruit de l’arbre à pain. Bizarre, il a la senteur de l’ananas et du maracudja réunis. Une fois cuit à la vapeur et sauté, il ressemble à de la pomme de terre un peu goûtée. Peut-être était-il un peu avancé ? Un gâteau aux pommes et une crème caramel pour le dessert ramènent nos papilles à des senteurs connues.
J13 – Lundi 08/12/97
Position à 12 h TU : 14°51′ N – 55° 28′ W
150 M parcourus – Reste 315 M
L’alarme radar se déclenche sans raison précise. Puis un bateau se signale, nous double très rapidement à moins de 200 m sur tribord et continue sa route vers le Sud. Sans doute, un catamaran tirant des bords de largue, Vol au vent, peut-être ? Nous renonçons à l’idée d’atterrir à la Barbade qui offre un seul mouillage. Nous précisons le point d’atterrissage sur la Martinique et modifions notre waypoint. Nous empannons et pour la première fois, naviguons bâbord amure puis envoyons le spi. La mer est plus calme et la température de l’air augmente. Nous faisons un gâteau de riz. Le stock d’huile est épuisé, il nous reste tout juste un peu d’huile d’olive : fini le temps des tartes ou autres tourtes.
J14 – Mardi 09/12/97
Position à 12 h TU : 14°19′ N – 57°41′ W
132 M parcourus – Reste 186 M
En fin de nuit, un voilier au moteur passe sur notre tribord. Nous empannons sous spi. Malgré la chute de notre moyenne, nous espérons toujours arriver de jour le lendemain. Nous pêchons un beau coryphène bleu et jaune de 63 cm qui va améliorer notre ordinaire. Les repas des 15 jours ont été variés mais nous avons envie de frais.
J15 – Mercredi 10/12/97
Position à 12 h TU : 14°21′ N – 60°11′ W
146 M parcourus – Reste 40 M
Nous portons toujours le spi. Ca roule beaucoup et Hubert barre. Le vent force encore et nous affalons. Le bras se bloque dans un taquet et le bateau est couché par un départ au lof ; frayeur des enfants non habitués à ce genre de situations très sportives. Nous tangonnons ensuite le génois et l’enroulons rapidement au passage d’un grain assez impressionnant. Nous apercevons un cargo sur tribord, le seul de la traversée. Nous touchons terre à 19 h TU, soit 14 h locales et mouillons dans la baie de St Anne.