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Semaine 10 : La grande famille
Il y a ceux qui viennent de Méditerranée et qui débouchent tout droit de Gibraltar. Il y a ceux qui viennent d’Atlantique ou comme nous de Manche, qui ont traversé le golfe de Gascogne et doublé le cap Finisterre. Il y a ceux qui ont pris une année sabbatique et ceux qui voyagent 2 ou 3 ans voire une durée indéterminée. Il y a ceux qui font un tour de l’Atlantique avec des parcours plus ou moins étendus sur les côtes africaines ou américaines, ceux qui passeront Panama pour atteindre le Pacifique et les atolls, ceux qui partent pour le grand Nord ou le grand Sud et ceux qui font le Tour.
Si chaque cas est particulier, pour tous, la première véritable étape du voyage, c’est Madère. Et c’est là que petit à petit, la grande famille s’est constituée : Dose, Baobab, Rinos Eros, Chenrezick, Octobre, Coup d’Folie, Voyage, Mike Liberty, Citron vert, Hakuna Matata, Pot-Ana, Noroc …
Depuis, nous nous retrouvons aux escales, naviguons en escadre ou communiquons par VHF, BLU ou standard C. Nous échangeons des informations (prêt d’instructions ou de cartes nautiques) ou nous rendons service (réparation de matériel, montage des lignes de pêche, paramétrage de logiciels de navigation, coupe de cheveux). Nous effectuons des activités en groupe, visites, randonnées ou longues soirées apéro … Ce soir, nous dînons à 15 à bord de Coup d’Folie pour déguster le sacré coryphène de 1,60 m pêché et préparé par Michel et Marie-Claude de Mike Liberty tandis que les mousses se la coulent douce sur Hakuna Matata !
Semaine 11 : Et vogue la cambuse
La cuisine est une des principales activités du bord. Ne disposant pas, comme à terre, de certains ingrédients, ustensiles ou appareils électroménagers (le frigo par exemple), varier les menus demande un peu d’imagination. Il faut s’adapter en utilisant les provisions du bord, ne pas gaspiller et savoir tirer le meilleur parti des réserves. Encore faut-il en avoir ! Cette semaine, nous effectuons l’appro pour 2 mois, les navigations futures nous menant dans des zones à ravitaillement difficile voire impossible.
Tout commence par un repérage des magasins qui proposent de bons produits bien emballés. Facilité de rangement, solidité, conservation, possibilité de biodégradation sont des critères importants de choix. Les produits de base, farine, pâtes, riz, eau, lait, boissons sont prévus en grande quantité. Pommes, oranges, pamplemousses, citrons, bananes, tomates choisies vertes, oignons, pommes de terre, choux, carottes, pain, fromage et œufs constituent la réserve en frais. Les produits secs tels des fruits, céréales, biscuits et conserves sont utiles pour les jours de gros temps. Ne sont pas oubliés le gaz et le pétrole pour les lampes qui assurent la lumière et repoussent efficacement les moustiques.
A la livraison des courses, le rangement est méthodique. Une organisation logique des équipets, par famille de produits est primordiale. Elle facilite la tenue du stock et son accès. A bord, nous disposons de compartiments petit déjeuner, hors-d’œuvre et plat de résistance, dessert, produits de base, liquides, produit secs. Les emballages en carton sont supprimés pour éviter l’humidité et l’installation de cafards à bord. L’eau est stockée dans les fonds. Les légumes et fruits frais sont placés dans des bacs ventilés aux endroits les plus frais, à l’ombre et bien immobilisés.
En navigation, les produits frais sont surveillés quotidiennement. Le résultat de l’inspection détermine le menu du jour. Les yaourts et desserts lactés sont confectionnés à bord ainsi que le pain après épuisement du stock. Une fois par semaine, les réserves et niveaux d’eau sont contrôlés et les œufs retournés afin que le jaune n’atteigne pas la coquille. Tout un programme !
Semaine 12 : Les fous volants
Un look proche des 60 pieds Open du Vendée Globe et pourtant 3 fois plus petits, ce sont les bateaux de la Mini-Transat, véritables machines volantes quand ils surfent à 20 noeuds. Il faut dire que leur conception favorise le départ au planning : 180 kg la coque nue pontée/structurée, 900 kg en charge, 6,50 m de long, 3 m de large, un mât de 12 m de haut, 2 m de tirant d’eau, une quille à bulbe, 2 safrans, 2 dérives arrières. Un impressionnant bout-dehors leur permet de porter un spi asymétrique de 100 m2 : pratiquement la taille de celui de Samana, certes un peu petit !
La seconde étape de cette 11ème mini-transat, longue de 2700 milles, rallie Santa Cruz de Tenerife à Fort de France. Les conditions de départ sont difficiles : vent Force 8 de secteur Sud. Pendant les 2 heures précédant le départ, nous naviguons sur zone, bord à bord avec les minis, sans manquer d’encourager leurs skippers. Le départ donné et nous tirons un dernier bord parmi les concurrents avant de regagner la marina.
Moins d’une heure plus tard, nous assistons aux premiers retours : démâtage, voile déchirée, safran perdu, bastaque cassée, coup au moral. Loïc et Jean-François, respectivement 13ème et 2ème de la première étape viennent se réconforter à notre bord avec un café. Jean-François, sa grand-voile recousue, repartira dans la soirée ; Loïc ne pouvant réparer dans un délai convenable, abandonnera. Il dînera avec nous et nous racontera sa première étape de course et son tour de l’Atlantique, réalisé, 9 ans plus tôt, en famille. Demain, il fera rapatrier son bateau en cargo. Début novembre, Loïc rejoindra les copains en Martinique.
Sympa, l’ambiance mini-transat !
Semaine 12 (bis) : La panne
Déjà une journée de navigation vers la Mauritanie, notre seule escale en terre africaine. L’embargo en Sierra Leone, pays frontalier de la Guinée et de la Guinée Bissau et les 200 morts de Casamance ont réduit le nombre de nos destinations. Le vent est absent, nous progressons au moteur.
19 h TU : le soleil s’est couché il y a une demi-heure à peine et nous profitons des derniers instants de jour pour dîner dans le cockpit. Soudain, le son du moteur se modifie. Un rapide coup d’œil par-dessus bord permet de vérifier que l’évacuation de l’eau de mer qui refroidit le moteur ne s’effectue plus. Nous stoppons le moteur immédiatement et la séance démontage commence du côté de la pompe à eau de mer. La turbine est en parfait état mais ne tourne plus. La pompe, quant à elle, tourne normalement. Manuels de mécanique sous les yeux, nous procédons à l’inspection des pièces, au nettoyage, aux remontages progressifs, aux essais de démarrage sans succès. Il fait nuit noire maintenant. Nous verrons demain. Nous faisons demi-tour, direction les Canaries à 140 milles de là. Nous basculons sur une seule batterie et coupons les instruments et autres consommateurs d’énergie. La nuit est sans vent, nous ne sommes plus manœuvrants, faisons des 360° et dérivons.
Au matin, les investigations reprennent. L’axe de la pompe entraîné en même temps que la pompe à injection tourne à vide. Pourtant, le moteur démarre et une fois embrayé, nous avançons. Nous parvenons à entrer en contact avec notre formateur méca par l’intermédiaire d’un parent auquel nous envoyons des messages par standard C. En attendant une réponse, nous nous baignons, la mer est plate, l’eau est à 25°C, un joli poisson, rayé bleu et noir vient nous caresser les jambes. En début d’après-midi, nous lisons à l’écran que le doigt d’entraînement, qui tourne maintenant dans le vide, est initialement emmanché à force et collé à la loctite. Le collage auquel nous avons déjà songé s’avère être un processus normal. Aussitôt lu, aussitôt fait.
Nous patientons pendant le séchage. Une surprise nous attend à la baignade : notre poisson pilote est toujours sous la coque. Il nous accompagne. Mais vers quelle destination ? Nous ne le savons pas nous-mêmes. A 17 h, nous mettons le moteur en route et l’évacuation de l’eau de mer s’effectue correctement. Nous faisons cap à l’est pour nous replacer sur la route sans présumer de la direction finale. 2 heures plus tard, le collage tient toujours, le vent revient, nous hissons les voiles et remettons le cap … au Sud. A 0 h, nous atteignons la latitude de la veille, au moment de la panne, 29 h se sont écoulées.